Rencontre avec Chatila

16 septembre 2002, je suis dans un groupe d’Européens venus participer à la commémoration 20 ans après les massacres de Sabra et Chatila. Manifestation bruyante et plutôt bon enfant qui aboutit dans le Mémorial, petit champ clos avec quelques panneaux d’images des massacres. Nous sommes là peut-être un millier de personnes, il y a des prises de paroles, la nuit commence à tomber et c’est petit à petit que je réalise que nous sommes en train de piétiner le lieu même où sont inhumées les victimes. Là commence ma relation avec le camp de Chatila et ses habitants.
Jean-Yves Boiffier.

16th september 2002, I am with a group of European people who came for the 20th commemoration of Sabra and Shatila massacre. It is at the same time a noisy and peacefull demonstration arriving in the Memorial, a small closed field with some pannels showing images of massacre. Maybe we are here a thousand of people, there are some speeches, night begins to fall and, step by step, I realize that we are standing on the true place where the victims bodies are buried. That the beginning of my relationchip with Shatila camp and its inhabitants.
Jean-Yves Boiffier

vendredi 27 août 2010

Le Parlement libanais accorde plus de droits civiques aux Palestiniens

Article paru dans l'édition du 19.08.10 du journal Le Monde.
Les réfugiés, aujourd'hui 400 000, pourront exercer quasiment tous les métiers au pays du Cèdre, sans avoir le droit à la propriété privée








e Liban a corrigé une injustice historique, qui empoisonnait ses relations avec 
les réfugiés palestiniens installés sur son territoire, en accordant à ces derniers 
des droits civiques de base. Le texte approuvé mardi 17 août par le Parlement devrait 
leur permettre d'accéder à une forme de protection sociale ainsi qu'à de nombreuses 
professions que la loi leur interdisait jusque-là d'exercer.

Les Palestiniens, dont le nombre au Liban approche 400 000, soit 10 % de la 
population, seront désormais traités comme tous les travailleurs étrangers. Alors que 
les restrictions en vigueur les condamnaient à vivoter dans le secteur informel, ils 
pourront être embauchés en toute légalité au sein d'une entreprise.
« C'est un pas dans la bonne direction, estime Nadim Khouri, responsable de 
l'organisation de défense des droits de l'homme Human Rights Watch au Liban. 
Cela doit s'accompagner de réformes administratives et de campagnes de 
sensibilisation auprès des employeurs. » Le docteur Ali Zein, une figure de la 
société civile, proche de la gauche palestinienne durant la guerre civile (1975-1990), 
applaudit également cette première. 
« C'est la légalisation d'une situation de fait, car beaucoup de patrons embauchaient 
des Palestiniens au noir. Mais c'est très important de légaliser. Si un Palestinien veut 
ouvrir une usine, il n'y a en principe plus de problème. »
La nouvelle loi ne lève pas tous les obstacles dressés devant les Palestiniens, arrivés 
au Liban depuis la création d'Israël en 1948 et qui vivent pour la moitié d'entre eux 
dans des camps surpeuplés et insalubres. Comme tous les étrangers au Liban, l'accès 
aux professions libérales nobles, comme médecin ou avocat, leur est interdit par les 
ordres qui régissent ces corps de métier. Leur capacité de voyager à l'étranger est 
soumise à un dédale de règlements. L'élément le plus audacieux du projet de loi, 
l'accès à la propriété privée, a dû être abandonné du fait du tollé qu'il risquait de 
provoquer. Dans un pays mosaïque, parcouru de tensions confessionnelles, dont la 
survie passe par un savant dosage des pouvoirs entre sunnites, chiites et chrétiens, 
toute mesure susceptible de mener à une naturalisation des Palestiniens, et donc à 
un accroissement du poids de la communauté sunnite, suscite une levée de boucliers 
immédiate. « Il y a tout un passif, dans le conscient et l'inconscient collectif libanais 
à l'égard des Palestiniens, dit Scarlette Haddad, journaliste au quotidien L'Orient-Le Jour. 
Beaucoup de Libanais estiment qu'ils ont voulu créer un Etat dans l'Etat et qu'ils sont 
responsables de la guerre civile. »
« Un tabou est tombé »
Signe malgré tout d'une relative détente, le projet de loi porté par le gouvernement du 
sunnite Saad Hariri a remporté les suffrages de la quasi-totalité des partis. 
L'opposition des formations chrétiennes, traditionnellement hostiles aux Palestiniens, 
s'est diluée dans les deux blocs à majorité chiite et sunnite qui dominent la politique 
libanaise. Les Kataëb et les Forces libanaises ont suivi la consigne du Courant du 
futur, le mouvement du premier ministre Hariri dont ils sont les alliés. Quant au 
Courant patriotique libre du général Michel Aoun, il s'est rangé à l'avis de son 
imposant partenaire, le mouvement chiite Hezbollah, qui, en tant que champion 
autoproclamé de la cause palestinienne, ne pouvait qu'approuver la loi.
Une alliance de circonstance, donc, a permis d'ouvrir une brèche dans le mur de 
discriminations auquel les Palestiniens du Liban sont confrontés. « Un tabou 
psychologique est tombé, dit Scarlette Haddad. La suite devrait être plus facile. »

Benjamin Barthe



dimanche 15 août 2010

Il y a deux ans disparaissait Mamhoud Darwich


Nous souffrons d'un mal incurable qui s'appelle l'espoir. Espoir de libération et d'indépendance. Espoir d'une vie normale où nous ne serons ni héros ni victimes. Espoir de voir nos enfants aller sans danger à l'école. Espoir pour une femme enceinte de donner naissance à un bébé vivant dans un hôpital, et pas à un enfant mort devant un poste de contrôle militaire. Espoir que nos poètes verront la beauté de la couleur rouge dans les roses plutôt que dans le sang. Espoir que cette terre retrouvera son nom original : terre d'amour et de paix. Merci de porter avec nous le fardeau de l'espoir.





Dans la tête et dans le cœur, j'avais ces mots que Mamhoud Darwich avait prononcés au Parlement International des Écrivains le 25 mars 2002 à Ramallah lorsque je suis venu pour la première fois à Chatila. Le poète s'en est allé il y a maintenant deux ans. Son chant est resté.




EST-CE EN UN TEL CHANT

Est-ce en un tel chant que nous ferons reposer le rêve sur la poitrine d'un chevalier
Auquel nous prendrons la dernière chemise, le signe de la victoire et la clé de la dernière porte
Pour entrer dans la première mer qui se présente ? Paix sur toi, compagnon du lieu qui n'a pas de lieu.
Paix sur tes pieds / les bergers oublieront les traces de tes yeux sur le sable.
Paix sur tes bras / la gélinotte passera de nouveau par ici.
Et paix sur tes lèvres / la prière sera célébrée dans le champ.
Que dirons-nous à la braise de tes yeux ? Que dira l'absence
A ta mère ? Qu'il s'est endormi dans le puits ? Et que diront les conquérants? Nous avons vaincu le nuage de la voix au mois d'août ?
Et que dira la vie à Mamhoud Darwich ? Tu as vécu, aimé, connu, et tous ceux dont tu seras amoureux sont morts ?
Est-ce en un tel chant que nous ferons reposer le rêve, emporterons le signe de la victoire et la clé de la dernière porte
Pour refermer ce chant sur nous ? Mais nous vivrons malgré tout car la vie est la vie.

Dans une traduction d'Abdellatif Laâbi, ce poème a été publié dans le recueil PLUS RARES SONT LES ROSES par Les Editions de Minuit en 1989.



Images réalisées par Ernest Pignon-Ernest et collées par l'artiste en Cisjordanie l'année dernière. Je vous recommande sa magnifique exposition actuellement à l'Espace Encan à La Rochelle jusqu'au 22 août. Si vous êtes à proximité, n'hésitez pas pour aller la voir.